
Jean-Michel Basquiat, vue de l’exposition
Artemis Baltoyanni et Doriano Navarra ont le plaisir de vous présenter l’exposition de l’artiste Jean-Michel Basquiat : Untitled à la Galerie The Intermission du 22 mai au 2 août 2025
Refuser de donner un titre à une œuvre permet à une image ou un objet d’exister par lui-même, sans appui verbal ni contexte. Une telle approche suggère une manière de considérer, avec un regard clair, le travail de Jean-Michel Basquiat. Une œuvre sans titre réalisée au bâton à l’huile en 1983 ne contient aucune image — seulement la signature de l’artiste, l’année, et le titre : UNTITLED (« sans titre »). Geste duchampien de pure déclaration artistique, cette œuvre énonce clairement sa critique : le nom est une marchandise, et l’identité devient une icône. Aucun titre n’est nécessaire.
Untitled, la première exposition consacrée à Jean-Michel Basquiat présentée en Grèce, propose une sélection d’œuvres sur papier qui forment un index des grands thèmes et symboles de l’artiste. Présentant principalement un jeune Basquiat à l’aube de la reconnaissance et de la célébrité, Untitled révèle un artiste à l’œuvre dans les interstices entre jeu et critique, idées et mondes. Avec des œuvres réalisées dès l’âge de 18 ans, Untitled saisit la période où la relation de Basquiat au langage évolue, devenant plus ambitieuse et viscérale après s’être détaché de son célèbre tag de rue, SAMO. Les préoccupations formelles du jeune artiste commencent à se dessiner.
En 1980 et 1981, années auxquelles appartiennent la majorité des œuvres présentées dans Untitled, on voit émerger la mythologie personnelle désormais immortelle de Basquiat. Crânes et couronnes, armes et combattants prolifèrent au crayon gras et au graphite sur tout papier tombant entre ses mains. La liberté qu’offre le papier à l’artiste, permettant aux idées de circuler rapidement et sans contrainte, dissimule le poids de ses sujets. À travers des gestes expressifs et un usage fragmenté et intuitif du langage, Basquiat oriente constamment le regard vers la précarité sous-jacente du héros et de la souveraineté, par des associations symboliques subtiles. Les signes d’exaltation et de mort, de violence et de pouvoir ne sont jamais très éloignés dans ces œuvres, illustrant les forces neutralisantes qui régissent la relation entre l’individu et la société. L’élévation prépare inévitablement l’effondrement ; la marchandisation dépouille la vitalité de sa signification.
Dans son portrait de Joe Louis de 1982, Basquiat représente le buste de l’un de ses sujets récurrents : un champion poids lourd largement considéré comme le premier Afro-Américain à être devenu un héros national après sa victoire en 1938 contre le boxeur allemand Max Schmeling. Sous ce portrait évocateur figure le néologisme SKEPTISM, une faute d’orthographe intentionnelle du mot skepticism (scepticisme), dérivé du grec. Dans ce contexte, le mot sert à interroger les conditions de la glorification de Louis, marquées par les projections sur la manière dont un Afro-Américain devait se comporter face à un public blanc. Créé l’année où Basquiat a présenté sa première exposition personnelle à New York et a participé à Documenta 7, ce portrait peut se lire à la fois comme historique et autobiographique, témoignant de la capacité unique de l’artiste à absorber les référents culturels pour les intégrer à une symbolique profondément personnelle.
Qu’il s’agisse de boxeurs ou de personnages de dessin animé, de rois ou d’enfants, les figures de Basquiat portent en elles le poids des contradictions du monde. L’héroïsme rencontre toujours ses limites, et la visibilité s’accompagne inévitablement d’attentes et d’exploitation. Pourtant, Untitled témoigne de la puissance d’une expression prolifique et indomptable.
La scénographie a été conçue par Kois Associated Architects, qui a imaginé un environnement amplifiant l’intensité du travail de Basquiat et soulignant le dialogue de l’exposition avec le tissu urbain et culturel du Pirée.